
Chute de Mobutu: sur les circonstances de la mort du Général Mahele, le vendredi 16 mai 1997 après le départ de Mobutu de Kinshasa vers Gbadolite
Entre la nuit du Vendredi 16 au samedi 17 mai 1997, Le Général Mahele est assassiné au camp Tshatshi par les soldats fidèles à Mobutu, quelques heures après le départ du Maréchal vers Gbadolite. Voici les circonstances de la mort du Général Mahele, le vendredi 16 mai 1997.
Tout commence le Jeudi 15 mai au soir, alors que les troupes vaincues à Kenge refluent sur Kinshasa, se joue le dernier acte du règne de Mobutu Sese Seko. Au camp Tshatshi, autour du maréchal épuisé, se tient une première réunion. Il y a là les généraux Likulia Bolongo, Mahele, Nzimbi, Ilunga (ministre de l’Intérieur) et Vungbo (Garde civile).
Mahele, Likulia et Ilunga pressent Mobutu de quitter Kinshasa et de se rendre à Gbadolite : « Nous ne pouvons plus garantir votre sécurité. » On se sépare sans qu’une décision soit prise. Un peu plus tard, Mobutu convoque une deuxième réunion. Cette fois, ne sont présents que les généraux ngbandis : Bolozi (gendarmerie), Vungbo, Nzimbi, Wezago, l’adjoint de ce dernier à la tête de la DSP, et, au téléphone, Baramoto. « Il y a des traîtres, il faut les éliminer, constituons une liste », s’emporte l’un des participants. Le maréchal calme le jeu : « J’irai à Gbadolite demain, confie-t-il, prenez vos dispositions. » Il est minuit. Les généraux sortent du camp Tshatshi et se rendent directement au domicile de Baramoto Kpara où une troisième réunion, en présence de la plupart des officiers ngbandis de Kinshasa, se tient jusqu’ à 5 heures du matin. On y peaufine la liste des « traîtres » sur laquelle figure, en tête, le général Mahele.
Vendredi 16 mai, vers 9 heures. Le maréchal Mobutu et sa famille sont sur l’aéroport de Ndjili où un Boeing 737 de la présidence, piloté par le commandant Mukandela, les attend. Mobutu est obligé de quitter Kinshasa, direction Gbadolite. Au moment de grimper l’échelle de coupée, Bodi Ladawa, l’épouse de Mobutu, se tourne vers Mahele qui, avec d’autres, est présent pour ce dernier départ : « Donat, nous savons ce que vous avez fait ; c’est comme cela que vous remerciez Papa, après tout ce qu’il a fait pour vous ! » Mahele se tait. Mobutu, qui a entendu l’interpellation, se contente de hocher la tête. Il est 9 h 30. Sur ordre du colonel Mutoko, chef de la sécurité rapprochée du maréchal, le commandant Mukandela fait prendre à l’avion une trajectoire de décollage différente de l’ordinaire. On craint un attentat.
En cette journée fatidique, alors que le Boeing n’est plus qu’un point dans le ciel, chacun rentre chez soi. Objectif : fuir. Les avant-gardes de Kabila ont été signalées à quarante kilomètres, sur la route de Kenge. Le général Mahele regagne son domicile à La Gombe. A 10 heures, il se rend chez le Premier ministre Likulia. Les deux hommes discutent de la façon de faire parvenir de l’argent aux soldats, afin d’éviter un pillage généralisé. A 11 h 30, il est à nouveau chez lui.
Le téléphone satellitaire sonne : l’un de ses contacts au sein de l’AFDL l’appelle. Longue conversation. Il s’agit de mettre au point le plan de reddition des FAZ. Mahele, après avoir hésité, convient de gagner Lusaka en Zambie, dans la journée du 17, où il annoncera solennellement à Laurent-Désiré Kabila le ralliement de l’armée zaïroise. Son plan de voyage est élaboré : Brazzaville-Luanda-Lusaka. En milieu d’après-midi, le chef d’état-major se rend une nouvelle fois chez le Premier ministre. Puis revient à La Gombe, d’où il appelle, à Bruxelles, son ami Wilson Omanga : « Je te téléphonerai samedi soir de Lusaka, tout sera fini. » Déjà, Nzimbi et Baramoto ont fui. Kinshasa s’offre aux hommes de Kabila.
Mort de Mahele au camp Tshatshi
Il est 23 heures, en ce jeudi 16 mai 1997, lorsque Likulia Bolongo appelle Mahele. Le Premier ministre, qui s’apprête à trouver refuge à l’ambassade de France, signale au général un début de soulèvement au camp Tshatshi. « La DSP veut sortir et tout piller ! » « J’y vais », répond Mahele. Folie ? Le général se sent investi d’une mission : empêcher la destruction de Kinshasa, éviter un bain de sang. C’est là-dessus, il en est persuadé, qu’il joue son avenir politique. Sans doute pense-t-il aussi que, privés de leur chef, le général.
Nzimbi, les Ngbandis de la DSP sauront l’écouter. N’est-ce pas pour eux la dernière chance de sauver leur peau ? Mahele saute dans un 4×4 avec son chauffeur et un garde du corps. Un pick-up d’escorte, avec dix militaires à son bord, le précède. Aux abords du camp, premier barrage : l’escorte reste sur place. Mahele continue seul, avec ses deux compagnons. Le 4×4 pénètre dans l’enceinte. Là, le chef d’état-major se retrouve face à une centaine d’hommes surexcités, entre drogue, alcool et sorcellerie, qui refusent de lui rendre les honneurs.
Parmi eux, le général Wezago, l’adjoint de Nzimbi, celui-là même qui participa la veille au soir à la deuxième réunion chez Mobutu, au cours de laquelle on évoqua les « traîtres » à éliminer. « Que viens-tu faire ici ? Tu as trahi ! Tu n’as pas fait la guerre ! » hurle Wezago. « Calme-toi, répond Mahele, l’AFDL est dans les faubourgs, demain ils seront là, vous n’avez aucune chance, déposez les armes ! »
Wezago devient fou : « Comment ! Toi qui as laissé mourir la DSP, tu nous donnes des ordres ! » Il sort son pistolet et tire sur Mahele, l’atteignant à la jambe. Le garde du corps, qui veut intervenir, est abattu. Le chauffeur a déjà fui. En un bond, Donat s’est projeté sur le côté. Il fait une nuit d’encre. On le cherche, on ne le trouve pas. Un soldat dit : « C’est toujours comme ça avec lui, il a de bons fétiches, il sait se rendre invisible. » Mais Wezago ne veut pas lâcher sa proie. A la lumière d’une lampe torche, on finit par le repérer, tapi sous le 4×4. On l’extirpe de force, on le remet debout malgré sa jambe brisée.
Un major de la DSP s’approche par derrière et d’un coup de pistolet à silencieux lui loge une balle dans la nuque. Mahele s’effondre, foudroyé. Entre temps, les soldats de l’escorte sont allés prévenir Kongolu, alias « Saddam », l’un des fils de Mobutu, qui fait de la résistance à l’hôtel Intercontinental. A bord d’un petit blindé, Kongolu se rend au camp Tshatshi. Des rafales de Kalachnikov l’accueillent. Les soldats perdus de la DSP, dont beaucoup seront abattus le lendemain par les « libérateurs « de l’AFDL ou lynchés par les Kinois, ont perdu la raison.
Vendredi 17 mai. A Kinshasa, c’est la fin d’un monde et le début d’un nouvel ordre. A Gbadolite, c’est la panique. Lorsqu’ils apprennent la nouvelle de l’assassinat de Mahele, les militaires mbunzas de la garnison toute proche de Kotakoli se soulèvent. Leur objectif : s’emparer de Mobutu et de sa famille et leur faire « payer » l’outrage.
Adjuvant KRIBIOS-KAUTA
À suivre