Et Mobutu pleura! Larmes de crocodile ou larmes sincères ? Retour sur l'événement du 24 avril 1990 au Zaïre (RDC)

Et Mobutu pleura! Larmes de crocodile ou larmes sincères ? Retour sur l'événement du 24 avril 1990 au Zaïre (RDC)

Après 25 ans de règne sans partage, le maréchal Mobutu Sese Seko annonce le 24 avril 1990 la fin du parti unique au Zaïre, Le MPR (Mouvement populaire de la révolution).

Devant un parterre de ministres, magistrats, généraux et parlementaires, Mobutu Sese Seko – qui se présente vêtu d’un uniforme noir de maréchal – décide « seul devant sa conscience de tenter l’expérience du pluralisme politique dans notre pays [au Zaïre], avec à la base le principe de la liberté pour chaque citoyen d’adhérer à la formation politique de son choix ».

« Que devient le chef dans tout cela ?, poursuit-il, de sa voix martiale. Je vous annonce que je prends ce jour congé du Mouvement populaire de la révolution, pour lui permettre de se choisir un nouveau chef devant conduire… » Silence de quelques secondes du Vieux Léopard, suivi d’un regard presque suppliant en direction de l’assistance, et qui s’achève par trois petits mots devenus célèbres : « Comprenez mon émotion ».

« Confiance en notre guide »

Devant un maréchal aux yeux soudain embués de larmes, rehaussant ses lunettes pour sécher quelques gouttes lacrymales, la salle applaudit à tout rompre, avant d’entonner avec enthousiasme : « Nous avons confiance en notre guide. Qui est notre guide ? Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga ! Libérateur ! Pacificateur ! Unificateur ! ».

Larmes de crocodile ou larmes sincères ? On ne saura sans doute jamais. Reste que Mobutu, qui doit sa longévité politique au soutien de l’Occident dans le contexte de la Guerre froide, pressent que le vent de l’histoire est en train de lui échapper. Quelques mois plus tôt, le soir de Noël 1989, son ami le dictateur roumain Nicolae Ceausescu a été exécuté avec sa compagne suite à un procès expéditif.

Un sort écrit d’avance

Le résultat de la chute du mur de Berlin, qui entraîne dans son sillage les démocraties populaires de l’autre côté du rideau de fer. Avec effroi, Mobutu assiste devant la petite lucarne à la mort de l’autoproclamé « Génie des Carpates », avec qui il s’était étrangement lié d’amitié – le leader zaïrois étant connu pour son anticommunisme virulent.

Ce 24 avril donc, comme pour conjurer un sort écrit d’avance, Mobutu ouvre les vannes de la démocratisation. Et les Zaïrois ne se font pas prier pour investir cette nouvelle liberté. Le soir-même, on fouille dans les greniers à la recherche de vieilles cravates ou de pantalons pour les filles, que l’on arbore avec fierté dans les rues de Kinshasa – des vêtements interdits du temps de l’État-parti au nom du retour à l’authenticité africaine.

Gabegie et économie de prédation

Des dizaines de journaux apparaissent dans les kiosques. Sans parler des partis politiques, qui poussent comme des champignons – on en recense bientôt plusieurs centaines – et entendent concurrencer le vieux Mouvement populaire de la révolution (MPR) – dont chaque Zaïrois était jusque-là membre d’office dès la naissance. Grèves et manifestations se multiplient pour dénoncer la gabegie et l’économie de prédation au sommet du pouvoir.

« Comprenez mon émotion… » Face au vent de liberté, qui grise le Zaïre, le maréchal n’a finalement d’autre choix que de suivre le mouvement – il tentera un temps de reprendre la main, mais en vain. Soucieux de contenter l’Occident et de ne pas se laisser déborder à l’intérieur – des pillages menés par des militaires éclatent en décembre 1990, il finit par accepter le principe d’une Conférence nationale souveraine, en prenant exemple du modèle béninois, qui doit permettre une transition en douceur vers la démocratie et une troisième République.

Texte original de Olivier LIFFRAN

Modifié par Adjuvant KRIBIOS-KAUTA

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