Chute de Mobutu : entre les circonstances de la mort de Mahele et le départ de Mobutu vers le Togo

Chute de Mobutu : entre les circonstances de la mort de Mahele et le départ de Mobutu vers le Togo

Devant les débandades des troupes mobutistes, le Général Mahele, avec l'aide des Américains, prend contact avec l'AFDL de Kabila pour gérer un changement pacifique de régime. La nuit du 16 mai 1997, après le départ de Mobutu, il se rend au péril de sa vie au Camp Tshatshi, fief de la DSP, pour la persuader de déposer les armes afin de ne pas exposer la capitale à un risque de bain de sang. Qualifié de traître, Mahele est alors assassiné par les derniers fidèles du maréchal, quelques heures avant l'entrée à Kinshasa des troupes de Laurent-Désiré Kabila.

Il est 9h, vendredi 16 mai 1997, Mobutu quitte Kinshasa pour Gbadolite. C'est la fin du long règne (32 ans) du Vieux Léopard au profit du rébelle muleliste Kabila avec la bénédiction des États-Unis d'Amérique. Cependant, la chute de Sese Seko va directement causer l’assassinat du général Mahele, pendant les dernières heures du maréchal à Gbadolite. 

Après grande dispute avec les fidèles des fidèles de Mobutu qui traitent Mahele de traître, un major de la DSP s’approche par derrière et d’un coup de pistolet à silencieux lui loge une balle dans la nuque. Mahele s’effondre, foudroyé, mort sur place au camp Tshatshi. Entre temps, les soldats de l’escorte sont allés prévenir Kongolu Mobutu, alias « Saddam », l’un des fils de Mobutu, qui fait de la résistance à l’hôtel Intercontinental. A bord d’un petit blindé, Kongolu s'y rend. Des rafales de Kalachnikov l’accueillent. Les soldats perdus de la DSP, dont beaucoup seront abattus le matin du 17 mai par les rebelles de l’AFDL ou lynchés par les Kinois, ont perdu la raison.

Le samedi 17 mai. A Kinshasa, c’est la fin d’un monde et le début d’un nouvel ordre. A Gbadolite, c’est la panique. Lorsqu’ils apprennent la nouvelle de l’assassinat de Mahele, les militaires mbunzas de la garnison toute proche de Kotakoli se soulèvent. Leur objectif : s’emparer de Mobutu et de sa famille et leur faire « payer » l’outrage. Le colonel Mutoko en informe le maréchal : « Il faut partir au plus vite. » « Je suis un militaire, je me battrai jusqu’au bout », rétorque Mobutu. Mutoko lui fait valoir qu’ils n’ont pas d’armes. « Et celles de Savimbi ? » interroge celui qui n’est déjà plus chef de l’Etat, faisant allusion à l’impressionnant stock constitué par le chef de l’UNITA à Gbadolite afin d’échapper à l’opération de désarmement menée en Angola sous les auspices de l’ONU.

« Depuis que votre neveu, le major Movoto Sese, les a planquées quelque part en Afrique de l’Ouest avec votre accord, il n’y a plus rien », explique Mutoko. « Alors, c’est la fin », murmure Mobutu.

Fuir, mais comment ? Le commandant Mukandela, que le maréchal a envoyé à Brazzaville avec ordre d’en ramener son fils Kongolu, refuse en effet de redécoller de la capitale congolaise pour Gbadolite. Il est, dit-il, lui et son Boeing, à la disposition des nouvelles autorités de son pays. Encore un traître ! Il faudra donc se résoudre à embarquer dans un vieil Antonov cargo, piloté par des Ukrainiens.

Le temps presse : la colonne des mutins venus de Kotakoli approche. Le colonel Mutoko veut faire grimper toute la famille dans un blindé, direction l’aéroport. En pleurs, Bodi Ladawa refuse : « Nous ne partirons pas ! » « Avec tout le respect que je vous dois, répond Mutoko, celui qui s’oppose, je l’abats. » L’un après l’autre, Bodi, sa sœur jumelle Kosia, leur frère Fangbi – le mauvais génie des dernières années du mobutisme et quelques autres s’engouffrent dans le véhicule. Reste Mobutu, que son fils Nzanga et Mutoko doivent littéralement traîner.

Le blindé roule à tombeau ouvert dans les rues désertes de Gbadolite, puis sur la piste où l’Antonov chauffe ses réacteurs. Par la passerelle ouverte, il entre directement dans le ventre de l’avion. Soudain, quelqu’un crie : « Les voilà ! » Eux, ce sont les Mbunzas de Kotakoli, dont les premiers éléments ont déjà atteint le bâtiment de l’aéroport. Les pilotes font décoller l’Antonov, la peur aux tripes. Des coups de feu claquent. On tire à la Kalachnikov sur l’appareil qui a bien du mal à prendre de l’altitude.

 

Des impacts de balles déchirent un petit morceau d’aile. En un virage audacieux, l’avion met brusquement cap à l’ouest direction Lomé, Togo. Comme momifié, Mobutu ne dit rien. Puis il murmure une phrase. Son médecin personnel, le docteur Diomi, se penche : « Même les miens me tirent dessus, lui dit le dictateur déchu, je n’ai plus rien à faire dans ce pays, ce n’est plus mon Zaïre. » Puis, le Léopard vaincu se replonge dans son mutisme. C'est la fin du long règne de 32 ans du Vieux Léopard. 

Quant à Mahele, fut le dernier commandant en chef de l’armée zaïroise, ce général d’une armée morte entre opérette et tragédie, dont l’effondrement total en moins de six mois bouleversa la carte géopolitique de l’Afrique centrale. Il fut, aussi, le dernier ministre de la Défense d’un régime aux abois, décomposé autour de son fondateur grabataire, tétanisé par l’avancée des « rebelles » et de leurs protecteurs.

Donatien Mahele Lieko Bokungu, Donat pour ses proches, assassiné à Kinshasa dans la nuit du vendredi 16 au samedi17 mai 1997 alors que l'armée rwandaise et les petits hommes verts (Kadogos) de Laurent-Désiré Kabila entraient dans les faubourgs de cette ville offerte et vénéneuse. L’itinéraire et le destin de cet homme, traître pour les uns, martyr pour les autres, sont exemplaires. Ils éclairent quelques-uns des aspects inconnus et fournissent des clés essentielles pour comprendre ce que fut une révolution majeure au cœur du continent. A travers l’aventure tragique du général Mahele, le voile se lève sur une partie de l’histoire secrète de la chute de Mobutu…

Celui dont certains, dans l’entourage du président Kabila, rêvent de faire un héros national au même titre que Lumumba et dont les obsèques, fin mai à Kinshasa, furent quasi officielles, ne fut jamais un mobutiste de cœur et de sang, même si comme tant d’autres, il servit le maréchal omnipotent et bénéficia de ses faveurs. Pour beaucoup de Congolais, Mahele reste un exemple de bravoure et est considéré comme un héros de la capitale tandis que le Monde Diplomatique le décrit comme « un vétéran de toutes les guerres de la région ».

Adjuvant KRIBIOS-KAUTA


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