Sur l'histoire de Christine de Suède, l'unique souveraine titrée « Roi » et non « Reine »

Sur l'histoire de Christine de Suède, l'unique souveraine titrée « Roi » et non « Reine »

Christine (en suédois : Kristina), née Kristina Alexandra Vasa le 18 décembre 1626 à Stockholm (Suède-Finlande) et morte le 19 avril 1689 à Rome (États pontificaux), reine de Suède de 1632 à 1654, est connue également comme la reine Christine. Son titre réel est « roi de Suède » et non « reine », conformément au souhait de son père de lui permettre ainsi de monter sur le trône. Elle hâta les négociations des traités de Westphalie (1948). Elle se convertit au catholicisme, abdique en 1654 en faveur de son cousin Charles 10 Gustave, et après une série de périples à travers l'Europe, se fixe définitivement à Rome. Esprit vif et curieux, elle a correspondu avec les plus grands penseurs de son temps. Christine de Suède apparait comme dirigeante des Suédois dans le jeu Civilization VI: Gathering Storm.

Enfant unique de GustaveIIAdolphe et de Marie-Éléonore de Brandebourg (fille de l'électeur de Brandebourg JeanIIISigismond), elle est élevée comme un garçon. Son père trouve la mort à la bataille de Lützen en 1632, alors qu'elle n'a que six ans. Sa mère névrosée la néglige au point qu'elle fait plusieurs chutes dans son enfance, lui laissant une épaule déformée.

Gustave Adolphe, qui avait perdu deux enfants en bas âge, avait réglé l'ordre de sa succession avant d'entrer en campagne. Il avait obtenu des nobles la suppression de la dévolution exclusivement masculine dès 1627. Christine monte alors sur le trône sans opposition, sous la tutelle du chancelier Axel Oxenstierna, le très compétent « Richelieu » suédois. Elle reçoit un enseignement sévère sous la direction du grand maître de la maison royale Axel Banér, le frère du maréchal, et de son précepteur, Johannès Matthiae.

Oxenstierna est retenu au Saint-Empire par les péripéties de la guerre de Trente Ans et ne revient en Suède qu'en 1636 après le traité passé avec la France. Son premier geste est d'éloigner la reine douairière, dont la santé mentale a été altérée par la mort de son mari, afin d'éviter son influence néfaste sur la jeune Christine qui a dix ans. C'est sa tante Catherine, comtesse des Deux-Ponts, qui tint le rôle de mentor féminin.

Majeure en 1644, la reine Christine s'oppose rapidement au chancelier Oxenstierna, définitivement mis à l'écart après le traité de Westphalie. Favorable à la paix, elle met fin aux conflits armés avec le Danemark en 1645 par le traité de Brömsebro qui donne à la Suède les îles d'Ösel et de Gotland, le Jämtland et le Härjedalen à la Norvège. La paix de Westphalie, signée en 1648, lui donne l'île de Rügen, Wismar, Verden et Brême, ainsi qu'une partie de la Poméranie et l'embouchure de l'Oder. Ces acquisitions font de la Suède la première puissance nordique.

Christine est couronnée en 1650, et les préoccupations de son entourage se portent sur la pérennité de la dynastie, et donc sur les projets de mariage. Le premier prétendant n'est autre que son cousin Charles-Gustave, mais Christine a une préférence pour le comte Magnus Gabriel De la Gardie qui obtient de nombreuses libéralités de la part de la reine. Celle-ci a toutefois en horreur les liens du mariage et va pousser son favori à épouser Marie-Euphrosyne, la sœur de Charles-Gustave, donc sa cousine.

Christine a pendant son règne et après son abdication des relations avec des hommes et des femmes. Ses premiers amants sont Magnus de la Gardie (1622 – 1686), Ebba Sparre (1629 – 1662) ; son plus grand amour est Decio Azzolino, un cardinal.

Débarrassée des conflits, Christine peut se consacrer aux lettres et aux arts, alimentant sa propre bibliothèque d'ouvrages savants et faisant venir des œuvres de sculpture et peinture, surtout italiennes.

Malgré un essor économique certain depuis la fin de la guerre de Trente Ans, les manières de Christine, son goût pour les modes étrangères, les dépenses exorbitantes de son sacre, ses libéralités vis-à-vis de ses favoris et de ses invités, sa politique d'anoblissement en masse mettent à mal les finances royales. Refusant de se marier, s'habillant en homme et fumant la pipe, les pamphlets de l'époque lui prêtent de nombreuses aventures aussi bien féminines que masculines. Mais en femme de caractère, elle fait front aux critiques de son entourage.

Portrait physique et moral

La reine Christine est de petite taille (1,52 m), son visage a des traits irréguliers, mais ses yeux bleus donnent à son regard ce que certains historiens décrivent comme « un éclat métallique qui peut séduire ».

Élevée à la dure, comme un garçon, elle affecte une apparence négligée et s'astreint à gommer toute féminité dans la façon de s'habiller et dans son comportement. Rebutée par les liens du mariage, les chroniqueurs de son époque lui prêtent plusieurs amants, et des relations homosexuelles.

Intelligente, elle est dotée d'une grande culture, elle correspond avec de nombreux savants et hommes de lettres tels Descartes, Pascal, Gassendi, Leibniz ou Spinoza. Elle parle plusieurs langues, notamment le français, langue de l'élite européenne, qu'elle maîtrise parfaitement. Elle est orgueilleuse, hardie, excentrique, faisant preuve politiquement d'une certaine duplicité. Sur le plan religieux, elle a une attitude tolérante, non dogmatique, le contraire d'une dévote. Elle est également considérée comme une pionnière du féminisme, avec ses contemporaines Madeleine de Scudéry et Madame de Maintenon.

Abdication et conversion

La situation dynastique reste la question essentielle. Dès 1651, Christine envisage l'abdication. Renonçant définitivement à se marier, elle obtient de la Diète la désignation de son cousin Charles-Gustave d'abord comme successeur, puis comme prince héritier, ce qui englobe la propre descendance de ce dernier.

Elle annonce le 11 février 1654 son abdication, prenant effet au 6 juin 1654. Les raisons de son abdication paraissent complexes : lassitude et dégoût du pouvoir, difficultés financières proches de la banqueroute ou cheminement spirituel qui conduira cette fille d'un des champions protestants de la guerre de Trente Ans à se convertir au catholicisme. Ce qui est certain est que le luthéranisme imposé par GustaveIerVasa était en Suède assez intolérant et que le culte catholique était strictement prohibé. Quant à elle, elle dira de sa couronne, et fera graver sur une médaille ce mot célèbre : « Non mi bisogna e non mi basta (Je n'en ai pas besoin et ce n'est pas assez pour moi) ».

Christine négocie son abdication contre des donations : elle se fait octroyer les revenus royaux des villes de Norrköping et de Wolgast, des îles de Gotland, Öland et Ösel, et la propriété de quelques domaines de Poméranie. Elle quitte immédiatement la Suède, faisant étape à Hambourg, Anvers et Bruxelles où elle se convertit secrètement au catholicisme.

Cette conversion d'un ancien souverain protestant représente une victoire symbolique dans la lutte de la papauté contre le protestantisme. Mais le pape AlexandreVII exige une abjuration publique avant de la recevoir, chose faite à Innsbruck. Elle est accueillie avec faste à Rome le 20 décembre 1655 et reçoit sa première communion d'Alexandre VII.

Elle est logée au palais Farnèse et fait connaissance du cardinal Decio Azzolino avec lequel elle entretiendra une relation sentimentale jusqu'à la fin de sa vie. Son caractère entier et sa liberté de mœurs ont tôt fait de lui aliéner ceux qui l'avaient reçue avec ferveur et Alexandre VII va prendre ses distances.

Revendications et provocations

Ses revenus suédois rentrant mal, Christine décide de renégocier les accords passés avec son cousin. Elle obtient l'accord de Mazarin de traverser la France pour se rendre à Hambourg. Elle quitte Rome le 20 juillet 1656 sur la galère papale, débarque à Marseille et atteint Paris le 8 septembre. Un vague projet est négocié avec Mazarin pour lui offrir le trône de Naples, Christine s'engageant à user de son influence pour rallier le pape au projet.

Le 13 février 1660, son cousin CharlesXGustave meurt subitement, laissant la couronne de Suède à son fils de cinq ans. Christine décide de retourner en Suède et quitte Rome le 20 juillet. Malgré les réticences du chancelier, elle arrive à Stockholm le 12 octobre et demande le rétablissement de ses droits héréditaires en cas de disparition du jeune roi. Elle se heurte à l'opposition des nobles et du clergé luthérien et doit reprendre le chemin de Rome en 1662.

Mécène à Rome

Christine se fixe définitivement à Rome en octobre 1668. Elle demeure dans le Trastevere au Riario alla Lungara (actuel palais Corsini) qu'elle transforme en musée. Elle y expose de multiples pièces (tapisseries, peintures, sculptures, dessins, objets divers de collection) qu'elle réunit à partir du fonds constitué en Suède, de donations ou d'achats plus récents. Le cabinet des médailles est particulièrement renommé ; la bibliothèque comprend 5 000 volumes.

Elle est l'amie des artistes comme le célèbre Bernini dont elle fera écrire la biographie à ses frais, apprécie les musiciens baroques : Filippo Acciaiuoli qui lui dédie ses drames musicaux et Alessandro Stradella ses cantates, Alessandro Scarlatti dont elle soutient les débuts, Arcangelo Corelli qui l'initie au violon. Elle obtient l'autorisation du pape d'ouvrir le premier théâtre public romain, le Tor di Nona.

Elle meurt à Rome le 19 avril1689 d'érysipèle, maladie dont elle souffrait depuis plusieurs années. Son corps repose au Vatican dans la crypte de la basilique Saint-Pierre.

Adjuvant KRIBIOS-KAUTA


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